mercredi 2 décembre 2020

Les dinosaures de A à Z : DIPLODOCUS

 diplodocus

Description / Année

Marsh / 1878

Signification du nom

Double faisceau

Classification

Saurischia / Sauropodomorpha / Sauropoda / Eusauropoda / Neosauropoda /  Diplodocoidea / Diplodocimorpha / Flagellicaudata / Diplodocidae / Diplodocinae

Epoque

Jurassique supérieur (Kimméridgien – Tithonien, 157 - 145 MA)

Hauteur

5 mètres

Longueur

27 mètres

Poids

15 tonnes

Échelle

Régime

Herbivore

Pays

Etats-Unis (Colorado)

Connu par

deux crânes et des vertèbres caudales puis squelette quasi complet,

Espèces

Diplodocus longus, les fossiles sont aujourd'hui attribués à D. hallorum ou des nomen dubia
Diplodocus carnegii, Hatcher, 1901 : Des USA (Wyoming, Utah, Nouveau-Mexique); connu par un squelette quasi complet collecté par Jacob Wortman
Diplodocus hallorum, découvert en 1979 sous la forme d'un squelette partiel comprenant des vertèbres, des côtes et un pelvis. Elle a été décrite en 1991 par D. Gillette sous le nom de Seismosaurus halli
D. hayi Holland, 1924 : USA (Wyoming), connu par un squelette partiel (dont un crâne fragmentaire).            
D. lacustris, Marsh, 1884 : USA (Colorado); connu par une mâchoire fragmentaire avec des dents. Ces restes ont été ensuite considérés comme étant ceux d'un animal immature, plutôt que ceux d'une espèce distincte. L'espèce était classée comme un nomen dubium. En 2015 cependant, E. Tschopp et ses collègues réassignent ce spécimen au genre Camarasaurus

Qui ne connaît pas le Diplodocus ? Depuis sa découverte au 19ème siècle, Diplodocus a su se tailler une solide réputation, au point de pouvoir représenter dans l'esprit du grand public le reptile du Secondaire par excellence, cette bonne grosse bête à laquelle tout de suite on pense: avec une petite tête au bout d'un très long cou (plus de 7 mètres!). Avec un cerveau minimum (1/100 000ème du poids de la bête) pour un corps maximum , sa réputation d'animal pas très futé lui colle à la peau. On a même dit qu'il aurait pu se faire grignoter la queue sans s'en apercevoir, tellement l'influx nerveux aurait mis de temps pour remonter jusqu'au cerveau... 

Le Diplodocus appartient au groupe des Sauropodes, groupe qui ne s'est spécialisé ni dans la mastication des végétaux, ni dans la locomotion, où ils étaient plutôt lents à cause de leur poids. Malgré cela, leur succès ne se dément pas et ce n'est pas un hasard si le Diplodocus fut l'un des premiers dinosaures découverts et le premier à être reconstitué: la taille des Sauropodes impressionne et impose le respect, tout comme leur répartition sur presque toute la surface de la Terre et pendant plus de 100 millions d'années.

La découverte des premiers os du Diplodocus remonte à l'année 1877, c'est-à-dire quelques années seulement après l'invention du mot "dinosaure" ('Reptiles terribles') par Richard Owen, pour désigner des animaux complètement différents de tout ce qui était connu jusque là. La fin du 19ème siècle est en effet une période faste pour les dinosaures, qui commencent déjà à fasciner les chercheurs et le public; on assiste alors à une véritable "ruée vers l'os", avec la concurrence entre les équipes de deux célèbres paléontologues américains: Edward Drinker Cope et Othniel Charles Marsh, qui décrivit en 1878 un nouveau dinosaure qu'il baptisa Diplodocus longus. 

Le nom Diplodocus ("à la double poutre") fait référence à l'aspect inhabituel des os chevrons situés en dessous des vertèbres de la queue: ils avaient la forme de deux petites poutrelles - ou deux patins - ce que l'on croyait être un caractère unique à Diplodocus, mais qui est aussi présent chez des dinosaures plus récemment découverts : Apatosaurus et Cetiosauriscus. Ces os assurent une protection des vaisseaux sanguins et des tissus du dessous de la queue.

Les premiers squelettes en connexion de Diplodocus furent découverts en 1899 au Wyoming (Etats-Unis) et depuis, la quasi-totalité des os a été découverte, ce qui a permis de faire des études très précises sur ce dinosaure. 

En voyant ce représentant des Sauropodes, on pourrait penser qu'il était lourdement bâti, lui donnant un air pataud. Au contraire, le squelette du Diplodocus est allégé à l'extrême. Ainsi, on peut dire que, comparé aux autres Sauropodes, Diplodocus a une taille de guêpe... Pour près de 30 mètres de long, il ne pèse que 15 tonnes, ce qui représente seulement 1/8ème du poids du Brachiosaurus et 1/3 de celui de l'Apatosaurus, alors que ces deux dinosaures sont moins longs !

Les Vertèbres sont un élément-clé de l'allègement du squelette, puisqu'elles sont pratiquement creuses. Les tiges osseuses restantes sont suffisamment solides pour supporter la grande charpente de l'animal. 

Un squelette bien conservé attribué au Diplodocus a été retrouvé dans le Wyoming au début du XXème siècle, grâce à une expédition financée par le milliardaire américain Andrew Carnegie. Plusieurs moulages de ce squelette sont ainsi répartis dans 8 musées du monde, dont celui de Paris. Partout, ces moulages firent sensation face au public, participant à la popularité de ce dinosaure et provoquant le début d'une véritable dinomania, qui se poursuit toujours...

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Le spécimen de Diplodocus carnegii au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris.   

Malheureusement, ce spécimen original était incomplet. Pour terminer les moules, les scientifiques de l'époque se sont donc débrouillés avec les moyens du bord. Ils ont tout simplement complété les os manquants par ceux d'autres dinosaures. Ainsi, tous les moules originaux de ce spécimen possèdent en fait les pieds du dinosaure Camarasaurus, un contemporain du Diplodocus... On sait aujourd'hui que, contrairement à ce que montrent ces moulages, le Diplodocus possédait en fait un seul orteil (le doigt intérieur) muni d'une seule griffe et non 3. Les autres orteils devaient présenter des coussinets arrondis, probablement cornés, comme les éléphants actuels.

Sa queue mesure 14 mètres de long ! Peut-être le Diplodocus avait-il l'habitude de se redresser sur ses pattes arrières, sa queue posée au sol pour se stabiliser. Cette posture acrobatique devait être assez coûteuse en énergie; il est donc plutôt probable qu'elle ne lui servait qu'en cas de nécessité, pour se défendre face à un prédateur par exemple. Sa queue pouvait alors l'aider en lui servant de fouet. En effet, les derniers mètres de la queue sont formés de dizaines de toutes petites vertèbres d'environ 30 mm de diamètre.

Ainsi, lorsque le Diplodocus agitait la queue, l'extrémité se déplaçait à des vitesses supersoniques et claquait comme un fouet. Trop fragile cependant pour infliger des blessures aux adversaires, la queue devait juste siffler dans l'air, perturbant par exemple un Allosaurus affamé... 

On peut également penser qu'en temps normal, les claquements de la queue pouvaient servir de lien social entre les membres d'un groupe : claquements réguliers et rassurants d'une Diplodocus mère pour ses petits ; claquements plus violents en cas de stress ; claquements pour signaler sa présence dans le troupeau et sa position sociale...

Depuis sa découverte, le Diplodocus a connu quelques changements importants dans ses reconstitutions par les paléontologues.

Au début de leur découverte, les Sauropodes furent victimes de leur taille sans commune mesure avec les animaux actuels et de leur rapprochement avec le groupe cousin des lézards. Ainsi, les premiers Sauropodes furent représentés rampants, la queue traînant sur le sol. Il n'en est rien. Les pistes fossiles laissées par ces animaux montrent qu'il n'y avait que leurs pattes qui touchaient le sol. 

Deuxième erreur de reconstitution: le Diplodocus possédait des épines dorsales cutanées. C'est une découverte récente qui l'a mise en évidence, en 1992, par le paléontologue américain S. Czerkas. Il a découvert des empreintes fossilisées de la peau d'un Diplodocidé du Wyoming, montrant l'existence d'une rangée d'épines dermiques de forme conique (jusqu'à 18 cm de haut) le long de la queue. Il est probable que cette rangée se prolongeait sur le tronc et le cou, donnant un curieux aspect épineux à l'animal, un peu comme un iguane moderne. Comme elles ne se fossilisent pas, ces épines sont restées insoupçonnées pendant longtemps et montrent combien la reconstitution des dinosaures est difficile lorsque seuls les ossements sont connus.

Enfin, une étude approfondie du squelette et sa reconstitution par ordinateur ont montré que le corps du Diplodocus était à l'horizontale, comme un pont suspendu. Le cou et la queue étaient maintenus horizontaux par d'énormes ligaments attachés aux vertèbres. Ainsi, la queue ne pouvait pas traîner par terre même si certains musées continuent de le représenter de cette manière. Le cou horizontal était peu mobile, mais le Diplodocus pouvait quand même tourner la tête en décrivant de longs arcs de cercle, lui permettant de brouter sur un large rayon autour de lui, dans une limite de 90°. 

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Reconstitution moderne du Diplodocus.
(à l'arrière-plan: un Iguanodon, reconstitué dans une position erronée...)

Cette disposition du corps du Diplodocus a obligé les musées à revoir également l'orientation de la tête: vers le bas pour lui permettre de brouter. Le corps à l'horizontale lui empêchait donc de redresser son cou pour brouter cônes et aiguilles des plus hauts conifères jurassiques. Le Diplodocus ressemblait ainsi plus aux vaches qu'aux girafes, contrairement aux Brachiosaures... 

De quoi pouvait donc bien se nourrir le Diplodocus ? De végétaux, direz-vous... Logique pour un Sauropode... Oui, mais pas n'importe quels végétaux du Jurassique. Comme on vient de le voir, les mouvements de son cou l'empêchaient de brouter les cônes et les aiguilles des plus hauts conifères. On peut d'ailleurs se demander si le fait que les cônes mûrissent en général dans les branches les plus hautes n'est pas un stratagème évolutif des conifères destiné à mettre les fruits hors de portée de la plupart des herbivores. 

En fait, les aliments consommés par le Diplodocus dépendent beaucoup de sa dentition. Si l'on regarde leur crâne d'un peu plus près, on peut remarquer que les Diplodocus sont dotés de dents pointues et situées uniquement sur le devant de la mâchoire. La bouche de ces dinosaures pouvait donc fonctionner comme un peigne ou un râteau ratissant les fougères et la végétation basse. Ce mode d'alimentation provoque une usure accélérée des dents, mais heureusement pour nos amis les Diplos, les dents usées étaient remplacées par de nouvelles.

Pour compenser la faible puissance des mâchoires, le Diplodocus avalait également des pierres qui aidaient au broyage des aliments dans l'estomac. Une fois usées et arrondies, ces pierres appelées "gastrolites", étaient rejetées. Leur aspect est caractéristique et a été retrouvé associé à de nombreux autres Sauropodes comme l'Ampelosaure français qui vécut en France 70 millions d'années plus tard. 

Du fait de leur plus petite taille, les jeunes Diplodocus devaient avoir un régime légèrement différent, composé plutôt de jeunes pousses, de mousses, champignons et petites fougères.

Le Diplodocus était donc spécialisé dans le broutage de végétaux, mais cette nourriture est très pauvre d'un point de vue énergétique. Comme tous les Sauropodes, le Diplodocus était donc obligé d'engloutir des quantités énormes de nourriture pour subvenir à ses besoins. Autrement dit, il devait probablement passer son temps à manger. On imagine donc aisément l'impact dévastateur d'un troupeau de Diplodocus sur les forêts jurassiques. La luxuriance de cette époque, due à un climat plus humide, a donc permis aux Sauropodes de connaître une expansion considérable sur tous les continents, alors séparés en deux ensembles (la Laurasie et le Gondwana). 

Ce n'est donc pas un hasard si c'est aux Etats-Unis d'Amérique que les plus grands gisements de Diplodocus ont été retrouvés, dans ce que l'on appelle la formation Morrisson. Elle correspondait au Jurassique en une vaste plaine luxuriante, recouverte de forêts tropicales plus ou moins denses et rongées par des troupeaux de Sauropodes. Selon certains paléontologues, le passage d'un troupeau de Diplodocus aurait pu raser des forêts entières, progressivement remplacées par des steppes puis redevenant des forêts au bout de nombreuses années. Les troupeaux de Diplodocus auraient donc été contraints de vivre en perpétuelle migration. 

L'appétit du Diplodocus dépendait en grande partie de son métabolisme ("sang chaud" ou "sang froid"). Les animaux homéothermes (= à "sang chaud", comme les Mammifères ou les Oiseaux) dépensent de grandes quantités d'énergie à maintenir leur température autour d'une certaine valeur; ils ont donc besoin de plus de nourriture. Si le Diplodocus était un animal homéotherme, des calculs montrent qu'il lui faudrait ingérer plusieurs dizaines de tonnes de végétaux chaque jour ! Cet argument a longtemps été utilisé pour dénigrer l'hypothèse des dinosaures à sang chaud. Or la taille imposante des Diplodocus adultes devait suffire à permettre une certaine inertie thermique: ils devaient mettre longtemps à se réchauffer ou à se refroidir. Ainsi, même s'ils n'avaient pas les mécanismes pour contrôler précisément leur température, les Diplodocus (comme probablement la plupart des Sauropodes) devaient quand même avoir une température interne relativement constante.

La meilleure défense des Diplodocus était vraisemblablement la taille imposante des adultes. Les seuls carnivores de l'époques à pouvoir rivaliser avec eux sont les Allosaures. Et pourtant, à côté d'un Diplodocus de 30 mètres de long, n'importe quel Allosaure devait passer pour un nain... 

Cependant, des traces prouvent que ce Théropode pouvait fort bien s'attaquer à de tels animaux : traces des dents d'Allosaure sur les os d'Apatosaures; piste fossile montrant l'attaque d'un Apatosaure par un Allosaure et superbement mise en scène par les équipes de “Sur La Terre des Dinosaures”, dans leur épisode consacré à "Big Al".

En plus d'une force de dissuasion (taille imposante, queue claquant comme un fouet), le Diplodocus pouvait sans doute se protéger en se redressant sur ses pattes arrières lors d'une attaque, menaçant son adversaire de sa griffe sur sa patte avant. Il est probable que le Diplodocus possédait alors des cotes ventrales ("gastralia") protégeant son ventre d'un éventuel coup de griffe d'un Allosaure. 

Au contraire, les jeunes Diplodocus étaient beaucoup plus vulnérables et à la merci de petits prédateurs comme l'Ornitholestes. Combien de temps pouvait durer cette période de vulnérabilité chez les Diplodocus ? Les Diplodocus pondaient des œufs de la taille d'un ballon de rugby; ainsi, les nouveau-nés mesuraient un mètre seulement au sortir de l'œuf, à comparer avec les 2,5 mètres de certains Ornitholestes... Des études des ossements fossiles de jeunes Sauropodes ont montré qu'ils ont au début de leur vie un taux de croissance exceptionnel (de l'ordre de 2 kg/jour les premières années), ce qui leur fait atteindre une taille raisonnable en quelques années seulement, les mettant à l'abri de la plupart des prédateurs. 

Pendant ce temps, le nombre fait la force: sur la quantité de jeunes Diplodocus sortis des œufs pondus par un troupeau, la plupart feront le festin des carnivores, laissant certains parvenir à la vie adulte. Le sacrifice du nouveau-né fait partie de la stratégie de survie de son espèce et permet ainsi la sélection des plus aptes à échapper à leurs prédateurs. C'est le principe de la sélection naturelle...

Contre les grands prédateurs, la taille des jeunes Diplodocus devait sûrement leur permettre de se réfugier dans les profondeurs de la forêt. On peut imaginer que la couleur de leur peau leur servait de tenue de camouflage, mais à moins de ressusciter ces dinosaures, la couleur de la peau des dinosaures restera du domaine de la pure spéculation...

Les Diplodocus vivaient probablement en troupeaux de 20 à 30 individus. Les prédateurs ne devaient jamais être très loin, à l'affût des plus vulnérables: jeunes insouciants; malades; Diplodocus en fin de vie... Malheureusement, aucun indice ne permet de savoir quelle était l'organisation de ces troupeaux: y avait-il un animal dominant? Si oui était-il un mâle ou une femelle? etc. 

La croissance des Diplodocus se poursuivait sans doute tout au long de leur vie, mais à un taux plus faible que pendant l'enfance. Ainsi, de rares ossements découverts et attribués au genre Diplodocus appartenaient à des individus de plus de 40 mètres de long ! Il devait donc s'agir de vieux Diplodocus, qui ont vécu suffisamment longtemps pour atteindre une telle taille. Certains paléontologues évoquent la possibilité d'un âge de plusieurs centaines d'années avant d'atteindre cette taille respectable.

Comme dans un épisode du documentaire “Sur La Terre des Dinosaures”, il est possible d'imaginer tout un écosystème vivant sur la peau des Diplodocus. Ce n'est pas la place qui devait manquer ! De petits Ptérosaures auraient pu venir s'y accrocher, se nourrissant des insectes et des parasites vivant à la surface de la peau des Diplodocus, la fiente de ces Ptérosaures finissant par "colorer" la peau de leurs hôtes? 

Ainsi, rien d'étonnant à ce que le Diplodocus, ce dinosaure si fascinant et si surprenant, soit souvent vu comme le témoin de l'apogée des Sauropodes. Les Sauropodes continueront d'évoluer jusqu'à la disparition des dinosaures, mais l'allègement du squelette ne se poursuivra plus puisqu'il a quasiment atteint ici son maximum. Le Diplodocus est longtemps resté le plus long dinosaure connu, mais il a été détrôné dès les années 1970 par Supersaurus et Ultrasaurus. Plus récemment, Paralititan, découvert en l'an 2000, mesure plus de 25 mètres de long et l'Argentinosaurus plus de 40 mètres !

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